Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LES VOIVRES 88240

Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir

Le pain bénit par Marie Houillon

Le pain bénit par Marie Houillon

Jusqu'au années 1940, on a été très fidèle, dans la Paroisse des Voivres, à la coutume du pain bénit. Chaque dimanche, une famille du village offrait une grosse couronne de pain qui était apportée à l'église. Au moment de l'offertoire, une fillette sortait du banc où se trouvait la famille. La maman dépliait une belle serviette, blanche, qu'elle arrangeait sur les bras tendus de l'enfant, puis elle y posait la couronne de pain et envoyait la petite vers l'autel. Monsieur le Curé l'y accueillait et bénissait le pain par des formules rituelles. Ensuite, deux grands garçons s’approchaient pour décharger la fillette de son fardeau et ils disparaissaient dans la sacristie avec la couronne, pendant que la petite commissionnaire rejoignait sa famille.

Il incombait alors aux deux jeunes gens de couper le pain en petits morceaux de la valeur d'une bouchée et de les répartir dans deux corbeilles prévues à cet effet. C'était une tâche recherchée. Pensez donc ! On était seuls à la sacristie, à s'affairer, pendant que la messe continuait. On échappait à la monotonie de l'office et quand on avait la chance d'être deux bons copains, c'étaient des moments d'une grande félicité, même s'il arrivait parfois qu'un couteau manié sans douceur entaille un doigt ! Cela n'allait jamais bien loin, de toutes façons !

Les corbeilles remplies, c'était au tour de deux servants de messe d'entrer en action. Ils allaient dans la nef, proposer le pain bénit aux fidèles, banc par banc. Chacun se servait et mangeait sa bouchée de pain après s'être signé avec, d'un signe de croix. Quand on avait un malade, ou un infirme, à la maison, on prenait un morceau pour lui, qu'on lui rapportait. C'était une manière de l'inclure dans la famille des fidèles qui partageaient le pain.

La famille qui avait offert la couronne se devait alors de prendre contact avec sa voisine en lui portant le " chanteau ", autrement dit le crouton. Cela signifiait :

" A vous dimanche prochain, de donner le pain bénit ! "

En générale, cela se passait sans aucun problème, même chez des non-pratiquants.

Toutefois, un dimanche d'août, Claudine était fort embarrassée avec son chanteau dans les mains. C'est qu'elle avait pour voisin, arrivé depuis peu, un homme très serviable et dévoué, mais qu'on ne voyait jamais à l'église, Monsieur Paul. Comment allait-t-il prendre la chose ? Que faire ? Il paraissait plutôt de gauche !

Mais Claudine ne se laissait pas longtemps démonter. Et allez donc ! La voilà frappant à la porte de Monsieur Paul :

" Bonjour, Madame Claudine, quel bon vent vous amène ? "

" Oh ! Monsieur Paul, je suis bien embêtée, vous savez ! Je ne sais pas comment vous dire ce qui m'amène ! "

" Eh bien ! Madame Claudine ! Allez y carrément. Je n'ai encore jamais mangé personne ! "

Notre Claudine, après plusieurs hésitations, se décide à expliquer la coutume du pain bénit à son interlocuteur, qui lui rétorque aussitôt :

" Mais bien sûr que je l'offrirai, le pain bénit. Puisque c'est la coutume au village, je le ferai, comme tout le monde. "

" Ouf ! se dit Claudine ! Ça s’arrange ! Mais ... C'est que, Monsieur Paul, c'est jour de fête, la prochaine fois. C'est le 15 août. Alors ... "

" Qu'à cela ne tienne, Madame Claudine ! J'offrirai de la brioche à la place du pain ! "

 Et ce qui fut dit, fut fait ! Les paroissiens eurent leur brioche bénite pour l'Assomptiom, grâce à Monsieur Paul. Et ce fut le début de relations excellentes entre ce dernier et Monsieur le Curé !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
De tout mon temps en qualité de servant de messe, de l'âge de 8 ans à 14 ans inclus, Marcel et André Houillon, deux frères, étaient chargés de découper la couronne de deux kg de pain. Ce que je n'appréciais pas lors de la distribution à chaque banc, était le fait que la mère "Natole" prenne une demi-douzaine de morceaux. Les servants risquaient de ne pas en avoir, car à l'époque, nous étions six servants.
Répondre
L
Elle les faisant sans doute tremper dans le bouillon du pot-au-feu.