13 Septembre 2016
Au diable le romantisme, Les Voivres étaient pauvres. Chez nous,il n'y a point comme à Xertigny, de Château.
A l'origine ce lieu dit s'appelait Chazeau Paille. Le Chazau ou Chazal indique l'emplacement de maisons jadis détruites par un incendie et Paille vient certainement de palea, paille, maison de chaume. L'abbé Olivier évoque aussi sans trop y croire comme origine possible une altération de pal, palus, marécageux d'où maison au sol humide.
Il a certainement raison de ne pas choisir cette possibilité. Les propriétaires du Château de Paille ont essayé de forer plusieurs puits, un dans leur cour, un autre 200 mètres plus loin dans un champ au bord du chemin qui depuis là gagne la ferme de Bernard Houillon.
Ils n'ont jamais trouvé d'eau. C'était certainement la maison la plus mal placée de toute la commune. Les vents soufflent là beaucoup plus fort que partout ailleurs et quand ils ne décornent pas les boeufs, amassent des congères au moindre flocon de neige. Régulièrement on trouve le panneau "route barrée" posé en travers de la route passant aux Feugnottes.
Un couple de célibataires, Jules et Marie Gérard, le frère et la soeur, en furent les derniers occupants.
Il faisaient un peu d'élevage sur leur ferme de quelques hectares. Jules allait tous les jours mener le lait au carrefour de la grand route à La Tranchée, distant de 1 Km. Un ou deux bidons de 20 litres dans une petite remorque attelée à l'indestructible Mobylette.
Comment se débrouillait il l'hiver pour le livrer quand les routes étaient bloquées ? Peut-être passait il à travers champs comme nous le faisions pour aller à Les Voivres à pied ? Peut-être tout simplement leurs vaches nourries seulement de foin ne produisaient elles rien lorsqu'elle ne pouvaient plus, pendant la mauvaise saison, aller paître?
Le foin de prairie vaut tous les fourrages quand il est récolté jeune. Mais à l'époque il n'était pas question de faucher avant l'épiaison. Il fallait attendre que la plante soit à maturité avec en plus un feutrage de repousses au ras du sol. Cette récolte ne permettait pas de fournir une lactation correcte.
On voit bien qu'il n'y a jamais eu de Château à Les Voivres.
De l'éloge du travail d'équipe : l'âne et le puisatier
Un petit puisatier de Provence, fort jeune et si dévoué,
Avec ses deux fidèles compagnons et un sourcier attitré,
Se déplaçait toujours à pieds, au Printemps, chaque journée,
Pour aller creuser des puits d’eaux claires aux reflets enjoués.
Nos quatre hommes marchaient aussi avec un âne à leurs côtés,
Qu’ils appelaient « numéro trois » car trois fois l’âne bramait,
Avant d’aller d’un galop décidé, vers l’endroit où il leur fallait creuser.
Le chemin qu’ils empruntaient était montant, tortueux et rocailleux.
À ses bords, des deux côtés, lierres et fougères d’un vert exacerbé,
Moult arbres aux écorces dorées, tapis de fleurs aux pétales échancrés.
À chaque passage, les animaux de la forêt étaient en fête :
Du lapin blanc au lièvre roux, du pinson jaune à la noire alouette,
Du renard beige au sanglier brun, de la fouine grise à la brune belette.
Ils montaient, en procession, jusqu’au sommet d’un mont sacré,
Où ne coulait point d’eau cristalline et claire fontaine n’était plus d’actualité.
Après quelques heures de marche, une petite chapelle les y accueillait.
Elle était de cette architecture fine qui inspire l’estime et le respect.
L’entrée, ornée d’une fresque murale, voyait les gens s’y agenouiller pour prier.
C’est donc arrivés une fois au sommet, que nos quatre hommes prièrent,
Sauf l’âne, plutôt occupé à brouter sa ration journalière de primevères.
Un ermite à la barbe blanche, le visage buriné par ses années de vie de piété,
Etait toujours enclin à engager la conversation, l’air très préoccupé.
L’eau manquait depuis toujours; et point de jardin à cultiver ou à arroser.
Les roches entouraient la chapelle; la terre, elle, était totalement desséchée.
Ce n’était pourtant pas la faute de notre sourcier ! Avec ferveur il se démenait.
Ce n’était pas non plus celle du petit puisatier, car avec foi il creusait.
Ses deux compagnons, eux, étaient pourtant fidèles et ses ordres ils suivaient.
L’âne, lui, savait où l’eau coulait; à trois mètres de là et leur bramait trois fois !
Mais nos hommes ne le regardaient pas, ne lui portant attention aucune fois.
Les discussions fusaient, de ci, de là, le sourcier annonçant : l’eau est là !
Le puisatier creusait alors frénétiquement, sans succès, sa foi n’y suffisant pas.
L’âne assistait impuissant à toute la scène, sans souffle pour exprimer de peine.
Jusqu’à ce moment béni où, pris d’inspiration divine,
L’animal galopa à trois mètres de la chapelle, s’arrêtant net à flanc de colline.
Le petit puisatier le vit bien, bougeant son encolure trois fois,
retenant alors toute son attention…Oui, tout comme au matin : Trois fois !
Notre petit bonhomme alla rejoindre son fidèle animal, scrutant la terre;
Sous les rocs, trois roses rouges, avec des perles d’eau, telles du verre !
L’eau était là, sous ses pieds, et il ne la voyait pas,
Trop occupé à discuter, en agitant ses deux bras.
Le puisatier s’agenouilla et avec ses deux mains il creusa,
Pour dégager une petite cavité, tout près des roses. Oui, l’eau était bien là !
Elle était claire et cristalline. Les gouttes ? telles des perles fines.
L’ermite arriva, il vit l’eau, ses reflets, et pleura des larmes de joie.
Le sourcier et ses deux compagnons ? Bienheureux tous les trois !
Notre âne, quant à lui, depuis un bon moment n’était plus là.
Il s’était échappé. Il avait repris sa Liberté.
Car oui, il la méritait…
Mais s’il avait fallu d’attention l’obtenir, il n’aurait alors jamais pu en jouir.