Sub Urbe

- Qu'on les oublie ou qu'on les pleure ! -

Les petits ifs du cimetière
Frémissent au vent hiémal,
Dans la glaciale lumière.

Avec des bruits sourds qui font mal,
Les croix de bois des tombes neuves
Vibrent sur un ton anormal.

Silencieux comme des fleuves,
Mais gros de pleurs comme eux de flots,
Les fils, les mères et les veuves

Par les détours du triste enclos
S'écoulent, - lente théorie, -
Au rythme heurté des sanglots.

Le sol sous les pieds glisse et crie,
Là-haut de grands nuages tors
S'échevèlent avec furie.

Pénétrant comme le remords,
Tombe un froid lourd qui vous écœure
Et qui doit filtrer chez les morts,

Chez les pauvres morts, à toute heure
Seuls, et sans cesse grelottants,
- Qu'on les oublie ou qu'on les pleure ! -

Ah ! vienne vite le Printemps,
Et son clair soleil qui caresse,
Et ses doux oiseaux caquetants !

Refleurisse l'enchanteresse
Gloire des jardins et des champs
Que l'âpre hiver tient en détresse !

Et que, - des levers aux couchants, -
L'or dilaté d'un ciel sans bornes
Berce de parfums et de chants,

Chers endormis, vos sommeils mornes !

Paul Verlaine

Pour une fois de n'est pas le Verlaine des Fêtes Galantes

Comments

[NOEL]

J'avoue avoir cherché assez longtemps, avec un mélange d'espoir de la retrouver et de curiosité sous sa couverture de neige, la tombe de mes parents. A l'invitation de ce vers : «- Qu'on les oublie ou qu'on les pleure ! -», j'ai cru , un moment que, puisque oubliée, il ne me restait plus qu'à pleurer. Et puis, j'ai fini par la distinguer, un peu perdue en arrière plan... et les souvenirs sont remontés.

[NOEL]

La neige masquant temporairement la différence criante entre la "dalle" et son encadrement avec la stèle.
Pourvu que la plaque, toujours non fixée je suppose, ne disparaisse pas à la fonte des neiges !

[LES VOIVRES 88240]

C'était unquement certaines stèles qui étaient bien visibles. Par contre celle du Soldat Marchand se détachait très bien