9 Novembre 2020
C'est donc le cœur serré que mardi dernier, j'ai quitté Colruyt le supermarché de Xertigny d'ordinaire si accueillant que je me réjouis d'y aller. Il faut pourtant reconnaître que depuis l'application des mesures sanitaires, l'hilarité était moindre. Il y avait une certaine gène sous le masque et une tension palpable à regarder la cliente devant vous tripoter toutes les salades pour n'en prendre aucune et recommencer la même opération avec les tomates. Mais bon, il y a des gens comme cela, des indécis à l'exemple de Jacques Villeret dans le Diner de Cons :
" Non, celle-la est plus rouge. Je la mets, ça fait plus fantaisie. "
Vous l'avez compris. Remplir des piles d'Ausweis, se revêtir d'un tenue de scaphandrier, s'inonder de gel hydroalcoolique pour aller dépenser son bon et bel argent en achetant des produits dont, dans leur grande sagesse, nos dirigeants nous apprennent aujourd'hui que la plupart n'étaient pas indispensables, ce n'était plus une occasion de se divertir.
Mais là franchement, apprendre brutalement, sans préparation aucune, sans l'aide d'un psychologue, que le rayon jouets a été démonté, c'était insoutenable. Non, Monsieur Noël Jean, ce n'est pas la peine de ricaner et de se dire :
" Il aurait eu la télé, il aurait été prévenu. " J'espère que vous n'aurez pas la cruauté d'enfoncer davantage les clous qui crucifient un homme désespéré. Oh, je ne parle pas pour moi. J'avais déjà fait une bonne partie de mes achats de Noël dans les marchés locaux, à La Voûte, aux Après-midi Créatifs ou à la Fête des Artistes du Moulin Gentrey. J'avais aussi puisé dans les milles choses remplissant les bacs de La Gratuiterie d'Ici et passé des commandes aux producteurs locaux.
Non ce qui me causait une douleur sans nom, ce qui me faisait pleurer à chaudes larmes* ce n'était pas de penser que je n'aurais rien à offrir à mes enfants et petits enfants pour Noël.
Si je m'apitoyais ainsi c'était à l'idée de toutes ces petites têtes blondes* qui ne connaitraient pas le plaisir d'ouvrir leurs cadeaux de Noël. Ils ne pourraient pas s'impatienter en tentant fébrilement de défaire les nœuds du ruban maintenant l'emballage pour le déchirer dans de grands crissements festifs. Il ne pourraient pas s’exclamer :
" Mais c'est nullache ! C'est même pas la dernière version ! Je lui avais pourtant bien dit à mamy ce que je voulais. Il va falloir que maman se dépêche de la changer cette console pourrie .
J'imaginais ces chers bambins, dans ce magasin, cramponnés au bras de leur maman et lui demandant en pleurs pourquoi il n'y avait plus de jouets alors qu'ils n'avaient même pas pu se rendre à la soirée d'Halloween sous la Voûte ?
Et la pauvre et misérable mère qui tentait d'expliquer l'inénarrable :
" Ben tu vois mon chéri il y a une fleur et l'abeille va se poser sur la fleur et ça donne plein de petites graines de fleurs."
On censure. Elle a tout faux la brave dame mais que voulez-vous qu'elle raconte à son fils éploré :
" Tu sais, c'est une méchante bête qui s'appelle Covid et qui a mangé tous les jouets."
Le petit sournois serait capable de lui répondre:
" C'est même pas vrai. C'est le méchant monsieur qui a dit à la télé que c'était interdit. Même que c'est la maîtresse qui nous l'a appris."
Quand je vous le disais. Comment conter l'indicible ? Enfin, dans tous cela il y a au moins une justice immanente comme l'écrirait la regrettée Marie Houillon. Les méchants chinois qui nous ont envoyé le virus ne pourront pas nous vendre les jouets qu'ils fabriquent à la pelle.
* Cette expression est née au cours du XXe siècle et s'appuie sur l'image de larmes chaudes, car elles sont si abondantes qu'elles n'ont pas le temps de refroidir. Quand je vous affirme que jamais un lecteur du blog ne mourra idiot.
* Blondes ou brunes ou noires et même vertes pour les martiens. Faut faire gaffe à ce que l'on dit maintenant. Il y en qui se sont fait trucider pour moins que ça. Et moi, j'imagine que je n'aurais même pas droit à un hommage, même bien écourté par le ministre de l'éducation nationale.