Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LES VOIVRES 88240

Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir

We Shall Overcome

We Shall Overcome

We Shall Overcome. Le vieux lutteur est de nouveaux en fleurs. Des fleurs énormes comme on en voit rarement. Bien à l'abri des bulldozers sur la parcelle de la mairie qui l'abrite, il a survécu à la canicule de l'été dernier et aux tempêtes. Il a survécu, rabougri, ayant perdu presque toutes ses branches et une grande partie de l'écorce de son tronc. Si il était contaminé par le Covid 19, il ne serait même pas admis en réanimation. Trop vieux ! Il faut laisser la place aux plus jeunes.

En attendant, il brandit son moignon pour faire un fuck à tous ces plus jeunes qui passent sur la route à ses pieds, à tous ceux qui estiment que des épaves comme lui sont inutiles et occupent à tort des mètres carrés de terrain qui seraient bien plus rentables en herbe ou en maïs. Déjà à son époque, dans le roman de Balzac, le Père Grandet avait fait abattre ses peupliers pour récolter davantage de foin. Le vieux lutteur, lui fait un fuck à tous ceux qui sont prêts à sacrifier hommes et arbres au nom de l'économie. A ceux qui ne jurent que par le béton et le pouvoir.

We Shall Overcome. Nous sommes comme lui, habitants de Les Voivres et du Val de Vôge. Nous sommes si insignifiants, si peu nombreux, sur le déclin et donnant l'impression que la moindre secousse un peu rude finira par nous anéantir, le moindre froncement de sourcils par nous faire plier, que pour beaucoup de décideurs nous n'existons même pas. Nous sommes invisibles et pourtant nous gênons. Il faut croire que nous avons encore trop de consistance et que nous ne sommes pas encore dans les limbes. Comment admettre que nous puisions, à l'égal de notre frère le vieux lutteur, être toujours debout et le revendiquer ?

Depuis plusieurs années, faute de naissances en nombre suffisant, les générations ne se renouvellent pas et les écoles se vident de leurs enfants. Nous sommes devenus des communes peuplées de vieux et voilà que cette nouvelle pandémie s'attaque tout particulièrement à eux. Pourtant nous survivrons car c'est sans doute notre faible densité de population qui a permis que nous soyons touchés plus tard et moins sévèrement pour le moment que d'autres secteurs. Nous survivrons car chacun se démène pour faire face à cette crise. Les initiatives se multiplient. Le marché de Bains les Bains est de nouveau ouvert depuis 15 jours et les acheteurs sont aux rendez-vous. La mairie et le restaurant du Pont du Côney mettent leurs douches à la disposition des routiers. Des bénévoles et des artisans fabriquent des masques. La mairie en distribuera aux administrés pour préparer la fin du confinement, ils peuvent également en acheter à Lucie Bouchard*. L'entreprise In Bô s'est lancée dans la production de visières.

We Shall Overcome. Nous survivrons car de tous temps, nous les bouseux, les ploucs, les sans noms, avons du nous battre pour vivre et pour survivre. Nous nous sommes agrippés bec et ongles à notre petite région où chaque grain récolté coutait plus de sueur qu'ailleurs, où chaque famille a versé plus de sang pour la France en 14-18 que dans les villes. Ceci ne nous  jamais été compté ou à de telles doses d'apothicaire que c'était déjà presque une insulte. Que pouvait rapporter à notre voisine, Mme veuve Denise Munier, l'obtention d'un bureau de tabac quand il n'y avait certainement pas 10 fumeurs dans le quartier ? Maigre compensation pour la mort de son mari, Jules Munier, tué en août 1914. Nous avons vu partout la population baissée et pourtant nos communes sont toujours vivantes. Nous survivrons sans et même malgré nos gouvernants car nous savons que nous n'avons pas d'autres choix que de résister ou de mourir. Nous n'avons pas la possibilité comme le font les parisiens et les riches de tenter de nous réfugier ailleurs. Il nous faut tenir bon en restant sur place.

We Shall Overcome. Et un jour, ce confinement sera fini. Sans aucun doute progressivement, mais il finira. Il faut se préparer à ce moment. La première chose à prévoir sera sans doute des masques pour tous. Ce sera à chacun de s'en procurer en les fabriquant soi-même, avec ou sans l'aide des municipalités ou en tentant d'en acheter. Les productions et les achats contrôlées par l’État et les grandes régions n'arriveront jamais à satisfaire les besoins des citoyens si l'on en juge par le foutoir qu'ils mènent en ce moment à ce sujet. Les entreprises qui travaillent encore ou qui s'apprêtent à redémarrer vont également absorber une partie de la production.

We Shall Overcome et nous aurons enfin compris que le pouvoir centralisé de Paris, installé par Louis XIV, renforcé par Napoléon Bonaparte et peaufiné par des générations d'énarques a vécu et que nous avons le droit à la parole.

Car ni le temps ni les puissants ne pourront nous empêcher d'être des hommes debout.

* Vous pouvez la contacter pour en commander au 06 63 40 40 49

 

We Shall Overcome
We Shall Overcome
We Shall Overcome
We Shall Overcome
We Shall Overcome

« Fleurs de cerisier
Qui ne connaissez le printemps
Que depuis cette année,
Puissiez-vous ne jamais apprendre
Qu’un jour vous devrez tomber. »

Ki no Tsurayuki (mort en 945)

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Bernard l'avait écrit : « Comme un arbre, un homme a besoin de racines pour se tenir debout », notre brillante et amie institutrice Evelyne l’a mis souvent à l’honneur et l’avait même, je crois, présenté à "l’élection de l’arbre de l’année". Le « vieux lutteur » nous montre la voie de la résistance.<br /> <br /> Saisissant l’opportunité d’espaces à nouveau ouverts aux commentaires depuis le 19 mars dernier, ce dont je me réjouis pleinement, vous aurez remarqué que j’apporte modestement ma contribution d’autant que, n’arrivant plus à publier quoi que ce soit sur Loomji ni à en entrer en contact avec ses hébergeurs, mon blog me parait de plus en plus compromis.<br /> <br /> Mais l’objet de ce post est surtout de saluer le webmaster du blog des Voivres qui, à sa manière, mérite aussi quelque part notre reconnaissance. Il n’a, en effet, rarement été aussi prolifique que pendant ce temps de crise du coronavirus. La situation ne serait pas si grave dans tous les domaines (sanitaire, économique, social, environnemental) qu’on se plairait presque à souhaiter que cela dure… la verve de Bernard, pas le Covid-19 bien sûr.<br /> <br /> Ses textes et ses "pièces jointes" viennent chaque jour nous apporter un peu de lecture, de sourires et donc de réconfort dans ce Monde si malmené. C’est, en tout cas, comme cela que je le ressens à quelque 600 km du Moulin des Voivres où j’ai usé mes souliers afin de gagner "la petite" puis" la grande école" pour y lustrer mes fonds de culottes sur les bancs de bois des classes de Mme Felberg puis de Mme et M. Jeannette.<br /> <br /> Si on se plaignait (à raison) du manque d’archives concernant l’Histoire du village, je crois qu’avec "La Chanson des cerises" (retrouvée partiellement en 2015) écrite par les enfants de l’école en 1937 dont le "maitre imprimeur" d’alors, Pierre Broggini, est encore, avec Georges Etienne un des désormais rares témoins, cette « passionnante » saga comme Bernard l’intitule lui-même (je dirais plutôt chronique) narrée par cet autre enfant des Voivres, apporte aussi un éclairage important sur la (sur)vie aux Voivres non pas au temps de la peste, ni à celui du choléra ou ni même de la grippe espagnole mais au temps - qui l’eut cru ? - du coronavirus en 2020. <br /> <br /> Avec sa tenue quotidienne du blog les voivres88240 depuis le 21 mai 2014 et singulièrement actuellement en cette période extrêmement difficile, au long d’articles argumentés, documentés, gentiment incisifs, fondés sur ses souvenirs, un peu satiriques parfois ce qui en fait le sel, comme « Tout va très bien madame la marquise », « Youpi ! Aujourd'hui je sors, Je vais en courses 1 & 2 », « Le temps des loups », « Il faut arrêter rapidement le confinement », Bernard fait assurément partie des "petites mains" qui œuvrent à nous faire mieux supporter ce confinement dont "les vieux" comme moi auront du mal à voir le bout du tunnel.<br /> <br /> Contribuant grandement à la conservation de notre moral, il mérite bien toute notre amicale reconnaissance.<br /> <br /> Oui, « we shall overcome ». Grâce, entre autres, au vieux cerisier toujours debout et à Bernard toujours au clavier, nous vaincrons. Merci à eux !
Répondre