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LES VOIVRES 88240

Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir

On " bat " le blé par Marie Houillon

On " bat " le blé par Marie Houillon

En 1890, il n'était pas question de machines, aux Voivres, pour moissonner le blé, pas plus que pour l'égrener. Tout se faisait manuellement. On fauchait la récolte à la faux. Les femmes, derrière le faucheur, " enjavelaient " c'est à dire que, s'aidant d'une faucille, elles mettaient le blé en bottes ou " javelles ". Ces dernières étaient ensuite réunies en gerbes et liées par un lien de paille tressée. Enfin on les montait en " trézeaux " : côté tige contre le sol, les épis dressés vers le ciel, les gerbes étaient accolées les unes aux autres, en rond par trois* en principe ( d'où le nom de trézeau) et on coiffait le tas d'une gerbe ouverte en parapluie.

Lorsque la récolte était à point, rentrée par les chars à bœufs et entassée dans la grange, il fallait songer à " battre " le blé, c'est à dire à l'égrener pour pouvoir ensuite le stocker par sacs.

On utilisait alors des fléaux, morceaux de bois très durs attachés latéralement par des lanières de cuir au bout d'un solide manche, de bois également et d'une longueur d'un mètre cinquante environ.

Le " battage " de blé était l'occasion de regroupements entre agriculteurs. On faisait des chantiers de battage, chacun apportant son fléau.

Les gerbes étaient ouvertes, étalées sur le sol bien balayé de la grange. De chaque côté, les ouvriers prenaient place, un nombre pair, car le rythme devait être respecté : un fléau à terre, son vis à vis en l'air, en alternance. De l'extérieur, en écoutant le " staccato " qui s'ensuivait, on pouvait juger de l’importance du chantier et de la quantité de travail fourni. Les paysans de l'époque, poètes à leur manière, avaient mis des paroles sur la chanson des fléaux s'abattant sur les épis :

" Dô pîgne, dô vîgne, d'let châ  ! "

(Du pain, du vin, de la viande ! )

Cela sous-entendait que le paysan chez qui l'on travaillait " avait de quoi " et qu'il pouvait bien nourrir ses ouvriers.

Si, au contraire, on n'était que deux en chantier, la cadence était beaucoup plus lente, beaucoup plus douce. On chantait alors, sans se presser :

" Dâ pommés dé terre, dô lasé pris ! "

( Des pommes de terre, du lait caillé ! )

Évidemment, cette nourriture peu riche était la conséquence de la situation du paysan chef de chantier. A petits moyens pas de grand festins.

De tout temps, l'homme de la terre a chanté son travail, avec finesse et bon sens.

*En fait on rassemblait les gerbes par 6  (une au centre, quatre autour et une dessus) où, le plus souvent par treize (une au centre, un premier rang de trois autour  et un deuxième de 6. Dessus, on posait deux gerbes, en écartant une poignée de la première pour la coincer sous la deuxième que l'on plaçait à côté. On répétait l'opération avec celle-ci pour qu'elle soit bloquée par la troisième mise au faîte.

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J
Je revois encore, comme si c'était hier mais nous étions alors dans les années 50, mon père en chantier solo et "armé" de son fléau, égrener le blé sur le sol en terre battue et assez inégal d'ailleurs de notre grange.<br /> " Dô pîgne, dô vîgne, d'let châ ! " : une « chanson des fléaux » qui a probablement donné des idées, fin des années 60 et pour longtemps, aux Ségala et consorts.
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