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LES VOIVRES 88240

Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir

Matin d'hiver

Photos Evelyne, Sylvia von Kaenel, lesvoivres88240

Photos Evelyne, Sylvia von Kaenel, lesvoivres88240

Maintenant les jeux sont faits. L'hiver ne sera pas cette année au rendez-vous du moins dans le Val de Vôge. Les températures minimales n'ont pas du atteindre les -10° et les faibles chutes de neige qui ont eu lieu fondaient presque aussitôt, à par sur les hauteurs de La Chapelle aux Bois et de Gruey lès Surance.

C'est d'ailleurs là qu’Évelyne a pris cette photographie intéressante à plus d'un titre. Tout d'abord il est net que le manteau neigeux n'a pas résisté aux températures trop élevées et que le vent doux qui souffle régulièrement l'a fait fondre très rapidement à nos altitudes peu élevées.

Il a fait fondre cette neige sauf dans les endroits où elle était protégée du foehn par la pente du terrain plus forte. C'est là que le cliché est instructif. La neige subsiste en bandes parallèles qui suivent pratiquement les courbes de niveau du terrain.  Elles recouvrent d'anciens talus créés par l'homme. Pendant des générations ceux qui cultivaient ces champs, actuellement occupés par des prairies permanentes, labouraient "en jetant bas" selon la vieille expression de nos ancêtres paysans. A l'époque où l'araire et la charrue était tirée par un cheval, voire deux bœufs ou même des vaches, pour faciliter la traction de l'engin le sillon était retourné vers le bas de la pente. Cela permettait aussi au fil du temps, d’atténuer celle-ci et de rendre la culture plus facile. Année après année, cette pratique amenait la constitution de ces talus parfois très hauts et très abrupts. Bien sûr ceux ci ne pouvaient être cultivés. Souvent ils étaient envahis par les broussailles constituant autant de haies. Mais souvent aussi au 18 ème siècle et au début du 20 ème, quand dans nos campagnes la terre était rare, (avant 1914 une ferme vosgienne exploitait 3 hectares en moyenne) et la main d’œuvre nombreuse et gratuite ( à cette époque Les Voivres comptaient plus de 900 habitants et Gruey lès Surance, 1 752 ) ces talus étaient dévolus aux prairies permanentes. Où l'animal de trait ne pouvait travailler, la faux était utilisée. Cette technique avait donc un double avantage. Elle permettait d'exploiter plus facilement les parcelles labourables et limitait l'érosion en atténuant la pente de celles-ci et en laissant en herbe les talus plus accidentés.

Il a fallu des générations à ces paysans pour patiemment façonner le paysage du Val de Vôge, monter ces talus, retirer les pierres des champs pour les empiler sur le pourtour, planter des cerisiers, des pommiers, des mirabelliers, creuser des étangs et construire les villages. Après avoir versé leur sueur tout à loisir, ils ont encore donné leur sang sur l’ordre de fous furieux qui les ont envoyés au massacre pendant la Grande Guerre.

Un cul terreux ça se remplace, c'est pas cela qui manque. Dans les faits cela se remplace si peu qu'à l'heure où les derniers paysans du canton rasent au bulldozer ces talus qui empêchent  de cultiver les champs avec les méthodes modernes, c'est tout le Val de Vôge qui est en train de crever faute d'enfants. De même que la neige met plus longtemps à fondre sur ces antiques témoignages du travail des ancêtres, quand nous serons dans nos tombes isolant de la chaleur de la terre, elle sera plus longue à disparaître sur celles-ci.

 

Matin d'hiver

La Bêche

 

Le gel durcit les eaux ; le vent blémit les nues.

A l’orient du pré, dans le sol rêche
Est là qui monte et grelotte, la bêche
Lamentable et nue.

- Fais une croix sur le sol jaune
Avec ta longue main,
Toi qui t’en vas, par le chemin -

La chaumière d’humidité verdâtre
Et ses deux tilleuls foudroyés
Et des cendres dans l’âtre
Et sur le mur encor le piédestal de plâtre,
Mais la Vierge tombée à terre.

- Fais une croix vers les chaumières
Avec ta longue main de paix et de lumière -

Des crapauds morts dans les ornières infinies
Et des poissons dans les roseaux
Et puis un cri toujours plus pauvre et lent d’oiseau,
Infiniment, là-bas, un cri à l’agonie.

- Fais une croix avec ta main
Pitoyable, sur le chemin -

Dans la lucarne vide de l’étable
L’araignée a tissé l’étoile de poussière ;
Et la ferme sur la rivière,
Par à travers ses chaumes lamentables,
Comme des bras aux mains coupées,
Croise ses poutres d’outre en outre.

- Fais une croix sur le demain,
Définitive, avec ta main -

Un double rang d’arbres et de troncs nus sont abattus,
Au long des routes en déroutes,
Les villages – plus même de cloches pour y sonner
Le hoquetant dies irae
Désespéré, vers l’écho vide et ses bouches cassées.

- Fais une croix aux quatre coins des horizons.

Car c’est la fin des champs et c’est la fin des soirs ;
Le deuil au fond des cieux tourne, comme des meules,
Ses soleils noirs ;
Et des larves éclosent seules
Aux flancs pourris des femmes qui sont mortes.

A l’orient du pré, dans le sol rêche,
Sur le cadavre épars des vieux labours,
Domine là, et pour toujours,
Plaque de fer clair, latte de bois froid,
La bêche.

Émile VERHAEREN

Matin d'hiver
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