Sénateur dans le même département, Daniel Grémillet renchérit : « Si on voulait rendre la ruralité indésirable, on ne s’y prendrait pas autrement. Cette mesure pénalise ceux qui sont déjà plus exposés aux sanctions parce que domiciliés hors des villes. Il y a une rupture d’égalité entre les territoires », plaide-t-il (lire ci-contre). Michel Fournier abonde et s’en réfère à son propre exemple : « Aujourd’hui, comme maire, je dois faire trois allers et retours Les Voivres/Épinal, soit un total d’environ 180 km. Comme la plupart des jours de l’année. » Au diapason, Jean-Marie Mizzon, sénateur et président de l’association des maires ruraux de la Moselle, fustige « une mesure brutale, prise sans concertation » : « Lorsqu’une réglementation n’est pas adaptée et n’est pas comprise, il y a de fortes chances qu’elle ne soit pas respectée », prévient-il.

 

Conformément à l’avis du Sénat, l’association que préside le Mosellan préconise une voie médiane : « Confier aux préfectures et aux Départements la responsabilité d’une adaptation de la limitation de vitesse à l’état des routes »… Commentaire de Mizzon : « Les collectivités disposent des services ayant la meilleure connaissance du réseau, notamment des tronçons les plus accidentogènes. Qu’elles soient nationales ou départementales, toutes les routes ne se ressemblent pas, pourquoi vouloir absolument imposer une approche sans nuance ? » Espérant pouvoir encore infléchir la décision de l’exécutif, le Sénat conclut qu’une adaptation de la vitesse à la configuration du lieu est préférable à une vitesse unique…

La méthode dénoncée

« Il faut cesser de mettre à l’amende les Français. » Dans une lettre ouverte, une trentaine de présidents du groupe DCI (Droite Centre et Indépendants) de l’Association des Départements de France dénonce la méthode : « L’application généralisée et indifférenciée de cette nouvelle règle engendre inévitablement une incompréhension de la part des automobilistes ». Signataires en Lorraine : Claude Léonard (Meuse) et Patrick Weiten (Moselle). En Meurthe-et-Moselle, Mathieu Klein fait entendre un autre son de cloche en approuvant la décision d’Édouard Philippe : « Tout ce qui permet de contribuer à la sécurité routière va dans le bon sens », objecte ainsi le chef de l’exécutif départemental sans crainte d’un certain isolement.

Reste que le « joker » dégainé par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a marqué les esprits. « Que le premier flic de France fasse ainsi part de son incrédulité n’est pas neutre », ironise Michel Fournier. « Cela résume bien les divisions que suscite ce dossier au sommet de l’État. Et ça n’est pas une question politique… mais de bon sens. »