Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir
14 Juillet 2017
De l'Abridici au local qui abrite la roue à eau qui actionnait la batteuse de la ferme Ory et la fournissait en électrisité, il n'y a qu'un pas. La halte suivante se fit donc sous cet auvent. Au mur un énorme fer à cheval porte le témoignage d'une fête de l'Eté organisée par nos parents et grands-parents.
Années d'après guerre où le village qui n'avait pas subi de destructions ni de pertes en vie humaines avaient vu ses soldats prisonniers revenir, heureux de retrouver le pays natal tout en le trouvant un peu étroit, un peu arriéré par rapport à ce qu'ils avaient connu outre-Rhin. Il fallait que les agriculteurs du village retroussent leurs manches et apprennent à produire davantage pour nourrir la population. Ils l'ont fait, ils ont modernisé l'agriculture à pas de géants sans compter leur peine.
Mais cela n'empêchait pas de s'amuser, d'organiser des fêtes civiles ou religieuses auxquelles tout le village participait en tant qu'acteurs. Il y a eu ainsi cette fête de l'Eté qui est longtemps restée dans les mémoires et dont les derniers souvenirs étaient une enclume géante au bord de la route du Moulin des Voivres et ce fer à cheval qui a été déménagé ici.
Est-ce le rappel d'une autre forge beaucoup plus ancienne la Forge Quenot ou tout simplement celui d'un corps de métier, forgeron, qui travaillait pour tous les villageois ?
Il n'y a aucune indication là dessus. Si Michel Fournier fit ce jour l'historique de la Forge Quenot et de l'Etang Lallemand, il n'en dit pas plus sur cette Fête de l'Eté.
A propos de l'histoire de ces deux sites, il faut toutefois signaler que, contrairement à ce que tout le monde affirme maintenant, l'Etang Lallemand n'a pas été fait pour alimenter en eau la Forge Quenot. L'histoire connue de Les Voivres est très parcellaire. Des pans entiers manquent. Si en plus la réalité est déformée on se retrouve aussi bien renseigné que si on lisait "Les Contes et Légendes des Vosges".
On trouve le nom de l'Etang Lallemand dès 1572. La Forge Quenot n'a été construite qu'en 1634 soit deux générations après. Encore une fois il faut le dire l'étang a été creusé, comme de nombreux autres à cette époque, pour drainer une zone humide et fournir les propriétaires en poissons.
L'Etang n'est pas une réserve hydraulique. Les sources venant du Grand Bois et alimentant la fontaine du centre et le Ru Migaille tarissent vite. La baisse de débit du ruisseau est encore accentuée par l'évaporation qui se fait à la surface du plan d'eau.
Le 17 avril 1732, Jean-François Rochet, le propriètaire de la Forge Quenot adresse cette requête au Chapitre de Remiremont et à la Cour de Lorraine :
"-comme le martinet ( de la Forge Quenot) ne peut rouler que par les eaux d'un petit étang qui est au dessus et et qui n'est formé que par les eaux du ciel, la petite usine chôme la meilleure partie de l'année ce qui lui cause un préjudice considérable par la raison qu'il ne peut fournir l'acier qu'on lui demande. "
Il veut donc implanter un second martinet au Moulin-au-Bois. La construction de nouvelles forges à l'ère industrielle utilisant du charbon de terre et produisant de l'acier de meilleure qualité grâce aux techniques modernes, la difficulté de transporter la matière première et les produits finis, ce chômage régulier évoqué plus haut, amenèrent la fermeture de la Forge Quenot au milieu du 19 ème siècle.
Dans sa forge aux murs bas d'où le jour va s'enfuir.
Haut, roide, et sec du cou, des jambes et du buste,
Il tire, mécanique, en tablier de cuir,
La chaîne d'acier clair du grand soufflet robuste.
Il regarde fourcher, rougeoyer et bleuir
Les langues de la flamme en leur fourneau tout fruste,
Et voici que des glas tintent sinistres... juste :
Le crépuscule alors vient de s'évanouir.
Croisant ses maigres bras poilus,
Il songe à celle qui n'est plus.
Dans ses yeux creux des larmes roulent.
Et le brasier dont il reluit,
Sur sa joue osseuse les cuit
A mesure qu'elles y coulent.
Maurice Rolinat