Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir
24 Juin 2017
A l'occasion de la visite de Les Voivres par l'association pour le Développement du Pays aux 3 Provinces une question se posait : comment en quelques dizaines d'années Les Voivres ont ils réussi à se doter d'une mairie, d'une école au village puis d'une deuxième à la Grande Fosse et d'une grande église ?
Certes à l'époque le village comptait plus de 800 habitants. Mais plus de personnes signifient en premier lieu, dans une commune où presque tous le monde était cultivateur à temps plein ou en complément d'une autre activité, moins de terre pour chacun. Peut-être même pas du tout pour certains. La surface de la commune est de 12, 8 km². Il faut retirer de celle-ci 245 hectares de forêts, plus les bosquets , haies, constructions, talus divers, chemins, étangs et autres parties non cultivables. Il faut aussi retrancher des terres agricoles disponibles pour la population l'énorme ferme Ory qui à l'époque couvrait 150 hectares. Pratiquement le quart des terres cultivées. Pour la plupart, la surface moyenne disponible était certainement inférieure à un hectare par personne. A l'époque les revenus d'un agriculteur étaient très faibles. Mais ceux de la plupart des ouvriers agricoles étaient encore plus réduits, souvent pratiquement nuls, hormis le vivre et le coucher.
D'ailleurs beaucoup d'habitants venaient dans cette ferme participer aux gros travaux pour en échange, être seulement nourris. C'est donc dans ces bourses qu'il a fallu puiser en taxes, prélèvements et dons divers pour financer ces constructions. A l'époque les subventions étaient assez rares.
Nécessité faisant loi, si les rentrées d'argent étaient maigres, il ne fallait pas le dépenser et le garder pour les cas où ce n'était pas possible de faire autrement. Les achats de nourriture étaient rares. En témoigne la dernière grande famine de 1816. Cette année le préfet écrivait à Paris pour lui signaler que les vosgiens en étaient réduit à manger de l'herbe.
La pluie avait empêché tout l'été de récolter les céréales. Le beau temps revint quelques jour en septembre puis il neigea. Même dans des situations moins extrêmes, il ne fallait rien perdre. Souvent le plat principal était composé de pommes de terre en robe des champs accompagné des fruits de saison, cerises, mirabelles ou pommes en compote. Il y avait d'ailleurs une infinie variétés de celles-ci. Entre les pommes de moissons mûres très tôt et les Saint Georges, dures comme du bois à l'automne mais se conservant jusqu'au mois de juin, il était possible d'en manger presque toute l'année.
Quand j'étais jeune, tous les matins j'entendais le voisin, Marcel Peutot, qui montait cueillir des cerises pour faire les fameux beignets. Dans son parc à côté de la Chapelle de Bonne Espérance, il y avait un vieil arbre qui gardait ses fruits jusqu'au 15 août.
De même les poires pouvaient se conserver de toutes les façons : en bouteilles pour une certaine variété de fruits très petits, natures, séchées. Pourquoi mettre des poires en bouteilles ? Tout simplement parce que les bocaux coutaient chers et qu'il était plus économiques de se servir de bouteilles. L'opération était fastidieuse, même pour des petits pois. Il fallait enfiler les haricots un par un et tasser le tout en tapant le fond du récipient sur une couverture pliée. Gare au maladroit qui le cassait dans un excès de zèle. Il risquait de se blesser mais surtout la bouteille et son contenu mêlé de débris de verre était perdu. Ainsi en jonglant avec les différentes espèces et variétés, la récolte et la consommation étaient étalées..
C'est ces gens pour qui une bouteille était précieuse qui ont accepté, certainement parce qu'ils avaient déjà payé tout ce qu'il était humainement possible, de ne pas utiliser leur droit d'affouage pendant 4 années. Il est à craindre que la plupart n'ont pas eu les moyens d'acheter de quoi se chauffer au prix fort. Ces 4 années sans affouages ont du être pour beaucoup 4 hivers à grelotter.
Même si encore aujourd'hui beaucoup de personnes de Les Voivres investissent leurs temps et leur argent dans des actions bénévoles, on peut se demander si aujourd'hui l'ensemble de la population accepterait de tels sacrifices.
Va t'on vers une année de misère ? - Le Petit Journal du Girmont
D'abord, je me souviens que l'avoine a été prise sous la neige, et qu'on en a récolté, au haut des " champs Peutat ", près de la chênaie Danis, le 25 Janvier 1816. En 1815, il n'y eût que 22...
http://www.girmont.org/index.php?2013/05/21/2659-va-t-on-vers-une-annee-de-misere