Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir
11 Novembre 2016
Soirée Concours de Soupe animée par Gauthier ou soirée Brassens avec dégustation de soupe. Un peu des deux et beaucoup de temps forts, de rencontres, de soupes succulentes et de chansons. Malheureusement pour notre artiste sa prestation de très haut niveau ne s'est pas déroulée dans une ambiance aussi recueillie que sous la yourte.
Ventre affamé n'a pas d'oreille. Je potine, tu potines, nous potinons.
Il parait que celui qui survit à une représentation dans un cabaret en sort grandi et invulnérable. Du bronze. Dans ce cas du vrai, celui dont les celtes forgeaient leurs glaives et qui servait à fabriquer les tourtières où la grand-mère mitonnait le civet de lapin, pas une imitation moderne, moitié plastique, moitié made in China, moitié play back.
Gauthier avait encore depuis le printemps énormément travaillé pour coller encore plus à son idole, pour être Brassens. C'est son frère, son clone, depuis la pipe, jusqu'à sa causticité, son aversion envers les cons et son amour du verbe ciselé, peaufiné, enfilé comme perles sur un collier, pour faire ressortir toute la richesse du texte, ses allusions, ses piques et sa verve.
Entre une dégustation de soupe aux légumes de Francis, un échange avec Les Jardins en Terrasses sur leur travail, leur engagement et l'utilité des Chantiers d'Insertion, quelques prises de photos des tables magnifiquement décorées de plats, assiettes, faitouts, soupières, panières, compotiers et saladiers, entre un bol de soupe aux champignons enrichie de morceaux de pain de campagne trempés dedans, une bouchée de rillettes ou une tranche de pâté accompagnés de salade diverses, il y eut des moments où, je le confesse, quelques couplets m'échappèrent, quelques accords de guitare n'arrivèrent pas jusqu'à moi.
Cela n'empêcha les applaudissements nourris, répétés, mérités, du moins de la part de ceux qui n'avaient pas un verre en main. Sinon il vallait mieux s'abstenir sous peine de le renverser. Gauthier eut la bonté de jouer toute la soirée sans se lasser, sauf pendant la remise des prix, ne prenant apparemment pas part aux agapes . Il est d'ailleurs tellement imprégné par son interprétation qu'il a toujours l'estomac noué à cette occasion.
Il a donc été possible de profiter de ce concours-dégustation soupe tout en prenant régulièrement le temps de s'arrêter de grignoter et de jacasser pour l'écouter, pour l'entendre chanter Brassens et reprendre avec lui les refrains.
Du grand Gauthier donc. Il n'en fallait pas moins pour se marier avec l'ambiance de cette salle pleine, avec son public réuni pour partager un moment de convivialité et, pour certains, concourir en vue de remporter le premier prix. La louche d'or par Toutatis, par Bélénos, par Thor, par Odin et par Geoffrey directeur de la Maisondici et grand prêtre de cette soirée.
Les membres du jury furent mis à rude épreuve. Une dizaine de fois de suite, ils durent prendre un échantillon de chaque préparation et le déguster. Là pas de faux semblant. Il s'agissait bien d'une dégustation. Il aurait été dommage, impensable, scandaleux même, de pas avaler ces si bonnes soupes. Pour ma part, même si mon bol était mieux rempli, je ne les ai pas suivi sur ce terrain au cours du repas partagé. Trois échantillons ont suffi pour me lester.
Quand je suis reparti j'aurais pu franchir le Cap Horn vers lequel se dirigent les concurrents du Vendée Globe sans risquer d'être emporté par une bourrasque de force 10.
Du béton, mais du béton goûtant, moelleux, parfumé. Chaque soupe avec sa texture, sa saveur, son parfum particulier, chacune mise en valeur par une décoration soignée.
Toutes les conditions étaient réunies pour rendre le choix du jury difficile, cornélien, l'aile ou la cuisse. C'est pour cela d'ailleurs que certains faisant preuve d'un esprit de sacrifice le plus grand, n'écoutant que leur courage, reprirent plusieurs fois de chaque soupe pour pouvoir juger en toute impartialité.
Laurent Jean-Pierre fidèle à sa promesse, remettait en effet son titre en jeu. On ne devait, on ne pouvait risquer de le faire monter sur le podium à la légère sous peine de provoquer une émeute.
"C'est une révolte ? Non sire, c'est une révolution !"
Les Gibis ne pouvaient prendre le risque de voir les Shadoks contester le vote. Il fallait être plus prudent qu'un nonce apostolique, plus mesuré que le mètre étalon du pavillon de Breteuil.
Malgré ce danger réel, le jury finit par rendre son verdict.
Troisième prix, Marie Line. Récompense amplement méritée. Très bonne soupe et décoration raffinée.
Deuxième prix Myriam. Bien, très bien, excellentissime. De plus Myriam est presque de Les Voivres, elle travaille chez Corba. C'est une référence, un passeport, un certificat de bonne conduite. On n'est pas chauvin mais on ne va pas attribuer des récompenses de cette valeur au premier quidam venu, l'évasion du patrimoine culturel, craignos.
Premier prix, Laurent. Bis repetita. Je pourrai reprendre mes photos et mes commentaires sur le concours 2015 :
"Très original, très bon, très premier prix. C'est un habitué des rings puisqu'il était déjà vainqueur l'an dernier "
En ajouter plus serait basse flatterie.
Fair play, tous les autres concurrents, leurs amis et leurs familles, cela on peut le faire en tenant son verre, s'inclinent devant le Teddy Riner de la soupe, le champion toutes catégories, osons le mot. Bien entendu si nous étions trop loin pour avoir entendu les paroles du maître, ou plutôt du maestro, puisqu'un stranger's baragouin a toujours plus de poids que la langue de Boileau, il serait impensable qu'il ne remette pas, une fois de plus, son titre en jeu l'an prochain.
Oui, comme son nom l'indique, un Chantier d'Insertion peut permette à une personne touchée par un accident de la vie de se restructurer. Ayant à une époque postulé pour un emploi dans leur Chantier, je connais les objectifs Des Jardins en Terrasses et chaque rencontre sur une manifestation, ce soir, au Bal Folk, à Festi la Vida, est l'occasion de parler un peu de leur travail.
Nous sommes bien certains que vous, jamais ne serez touché par un accident de la vie, que vous aurez toujours le punch, la gnac et la gagne pour rebondir. Nous n'avons pas eu cette capacité et fûmes tout heureux et tout aise d'être un jour embauchés pour le chantier d'insertion de Les Voivres.
Comme le disait la personne travaillant pour Les Jardins en Terrasses, cela peut être le fil du rasoir entre le rebond et la plongée en eaux profondes.
Epris de justice et curieux de nature, nous posons la question :
"-A partir de combien de louches d'or doit on acquitter l'ISF ?"
Pour aider à digérer, il fallait bien une part généreuse du gâteau au chocolat de Tom, fourré au chocolat, passé au micro-onde et nappé sans modération de crème Chantilly. un empilement de calories à toucher les nuages. Délicieux. Anti Weight Watchers. Ce n'est plus un concours de soupe, c'est une tuerie. Du remord à la pelle, mais que c'est bon. Merci Tom.
Le Gorille
C'est à travers de larges grilles,
Que les femelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille
Sans souci du qu'en-dira-on;
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit prècis
Que rigoureusement ma mère
M'a défendu d'nommer ici...
Gare au gorille !...
Tout à coup, la prison bien close,
Où vivait le bel animal,
S'ouvre on n'sait pourquoi (je suppose
Qu'on avait du la fermer mal) ;
Le singe, en sortant de sa cage
Dit " c'est aujourd'hui que j'le perds ! "
Il parlait de son pucelage,
Vous avez deviné, j'espère !
Gare au gorille !...
L'patron de la ménagerie
Criait, éperdu : " Nom de nom !
C'est assommant car le gorille
N'a jamais connu de guenon ! "
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau,
Au lieu de profiter de la chance
Elle fit feu des deux fuseaux !
Gare au gorille !...
Celles là même qui, naguère,
Le couvaient d'un oeil décidé,
Fuirent, prouvant qu'elles n'avaient guère
De la suite dans les idées ;
D'autant plus vaine était leur crainte,
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homme dans l'étreinte,
Bien des femmes vous le diront !
Gare au gorille !...
Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf une vielle décrépite
Et un jeune juge en bois brut ;
Voyant que toutes se dérobent,
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat !
Gare au gorille !...
" Bah ! soupirait la centenaire,
Qu'on puisse encore me désirer,
Ce serait extraordinaire,
Et, pour tout dire, inespéré ! " ;
Le juge pensait, impassible,
" Qu'on me prenne pour une guenon,
C'est complètement impossible... "
La suite lui prouva que non !
Gare au gorille !...
Supposez que l'un de vous puisse être,
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille,
Un de ces quatres jours, m'échoie,
C'est, j'en suis convaincu, la vieille
Qui sera l'objet de mon choix !
Gare au gorille !...
Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la vieille,
Comme aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge à l'oreille
Et l'entraîna dans un maquis !
Gare au gorille !...
La suite serait délectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable,
Ca nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême,
Criait : " Maman ! ", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !...
Brassens