Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir
11 Octobre 2016
Jeudi Annick et Gerlinde ont planté plusieurs arbustes dans le terrain alloué à la Transition d'ici à côté de la salle des associations.
L'an dernier, la mise en terre sur cette parcelle d'un premier arbre, un tilleul avait été l'occasion d'une petite cérémonie en présence de la municipalité. Frédéric a ensuite apporté un hêtre. Les deux arbres ont bien repris. Il faut croire que les conseils de Michel Fournier sur la façon de procéder pour les mettre en terre étaient bons.
Les Voivres en Transition d'ici, en Eaudici, en Maisondici, en Les Voivres, en nous tous.
Arrêtons les congratulations, fermons le banc et pour ceux qui veulent rester sur une image de Brave New World, fermez cette page. Nous allons aborder des sujets qui fâchent, des sujets beaucoup plus inquiétants et moins réjouissants.
Plantez des arbres actuellement, dans les Vosges, à Les Voivres, ce n'est plus un symbole, ce n'est plus l'occasion de faire une petite fête en récitant des poèmes, c'est avant tout un acte de résilience, de survie. Planter des arbres chez nous, dans une des régions les plus boisées de France, c'est essayer s'il n'est pas trop tard de sauver ce qui peut encore l'être des paysages que nous aimons et des cultures pratiquées dans la région.
Planter des arbres c'est tenter de lutter contre des vents de plus en plus réguliers dans leur force que ce soit ceux du Sud Ouest, véritable simoun amenant le sable du Sahara ou de la bise, l'âpre vent du Nord Est.
Si celle-ci nous fait grelotter comme ces derniers jours, et si celui là est brûlant, tous les deux dessèchent et flétrissent les plantes de nos jardins et les maïs. Or le réchauffement climatique, par l'évaporation accrue des eaux océaniques qu'il provoque est responsable de la violence et de la fréquence plus importantes de ces vents.
Préserver nos forêts, les arbres de nos vergers, planter des haies permet en stockant le carbone et en les freinant de lutter contre leur force et de réduire les dégâts qu'ils causent. Or trop souvent maintenant, chez nous, nous voyons les bulldozers et les tronçonneuses en action procéder à l'arrachage et à la coupe d'arbres et comble de l'hérésie, parachever le grand nettoyage par le vide, en faisant souvent immédiatement flamber le tout. Cela dans la plus totale illégalité et sous les yeux de tout le monde puisque la fumée de ces brasiers est visible à des kilomètres.
Si l'on pense que pour réussir à faire brûler ce bois vert, parfois des troncs entiers, un bon nombre de litres d'essence doivent être utilisés, on voit que l'on est dans l'aveuglement le plus total car ces arbres pourraient au moins être servir à se chauffer, fabriquer des pellets ou du compost.
Encore une fois, je le dis et le répète, tout confirme les prévisions de l'INRA qui annonce la disparition des hêtres et chênes pour 2040 à 2050. Les forêts de France après celles d'Italie sont en train de perdre le combat contre le réchauffement climatique.
Comme le soulignait JP, un lecteur, dans les liens qu'il a partagés, l'ONF fait des essais de variétés résistantes à la chaleur et commence d'effectuer des plantations. Mais on ne peut remplacer un arbre qui demande 50 à 200 ans pour pousser par un autre dans un laps de temps aussi court.
Sur la commune même, les hêtres souffrent et meurent, les chênes d'Amériques, les bouleaux avaient cet été des feuilles qui jaunissaient précocement et le bostryche galope dans les épicéas. Partout ont voit se dresser des houppiers desséchés signe que l'embolie bouche les vaisseaux de l'arbre et qu'il risque de ne plus pouvoir s'alimenter.
Alors de grâce, essayer d'ouvrir les yeux. Ce n'est pas parce qu'il y a des arbres partout autour de vous qu'ils seront éternels et que le paysage qui nous entoure ne vas pas être profondément bouleversé, si les particuliers ne réagissent pas eux aussi rapidement. Quand pour une raison ou pour une autre : utilisation de bois d'oeuvre ou de chauffage, faciliter le travail des champs, vous abattez un arbre, n'aggraver pas le mal en brulant sur place celui ci alors que c'est interdit. Nous rappelons que les végétaux doivent être soit brulés seulement dans des équipements de chauffage, poëles ou chaudières, soit compostés ou amenés à la déchetterie. Et par pitié si vous coupez un arbre, faites comme Annick et Gerlinde plantez en un autre.
Pour la plupart des climatologues, nous sommes entrés dans l'anthropocène. Ce changement d'époque dans l'histoire géologique de la Terre consacre le fait que l'homme a profondément modifié son environnement. Cela n'empêche pas certains de nier encore que l'homme est responsable du réchauffement climatique.
Quand Annick et Gerlinde plantent un arbre à côté de la salle des associations elles envoient en même temps un message :
"-Il est urgent de réagir, de changer nos habitudes si l'on ne veut pas que le changement climatique mettent en danger l'Homme lui même. Depuis le début de l'année tous les records de chaleur jamais enregistrés depuis l'époque industrielle sont battus mois après mois. La vie sur Terre s'adaptera comme elle le fait constamment mais il n'est pas sûr que l'homme soit capable de le faire si les bouleversements sont trop importants.
L'homme n'est qu'une espèce parmi des millions d'autres sur notre planète. Ce n'est pas forcément la mieux armée pour résister à des conditions extrêmes.
Cèdre bleu, chêne rouvre
J'avais planté, devant ma porte, un cèdre bleu;
Il était devenu le vrai seigneur du lieu,
Dominant les jardins et les toits des chaumines,
Allongeant sa ramure, enfonçant ses racines.
J'aimais son port altier, la superbe couleur
De sa branche étalée, en ordre, avec ampleur,
Les cônes arrondis et dressés qu'elle arbore
Et qui reluisent, bruns, aux rayons de l'aurore.
Mais tandis qu'à Noël dansaient les moucherons,
Soudain l'hiver brutal a gelé tous les troncs :
Moins quarante degrés sur les sommets de Mouthe !
Moins trente-trois chez nous, ce fut une déroute !
Mon beau cèdre a fendu ! Devenant presque roux,
Son feuillage a tombé lorsque vint le radoux
Car le terrible vent qui venait de l'arctique
Avait donné la mort à mon arbre exotique .
A sa noble élégance, il fallait dire adieu.
Pouvais-je replanter un autre cèdre bleu ? ...
Le chêne et le sapin contaient un doux murmure
Et le merle sifflait dans la ramure.
Ils disaient que l'hiver n'est jamais un fléau
Pour l'arbre du pays car il est aussi beau
Que ceux qu'on fait venir d'une lointaine terre
Et c'est bien celui-là que le poète préfère.
J'ai donc coupé le cèdre et je l'ai remplacé
Par un petit chêneau, trapu, bien élancé.
J'ai mis tout mon espoir dans sa force secrète :
Il a juste deux ans, l'âge de ma Lisette.
In Le Grand Cor des Alpages
Emile Raguin