5 Août 2016
Pour que le grain ne meure. De telles manifestations sont toujours un souvenir doux amer pour ceux qui ont connu cette époque, avant l'agriculture moderne. Dimanche, ils étaient très certainement nombreux dans ce cas car la plupart de ceux qui ont participé aux moissons, il y a seulement 50 à 60 ans, ont encore vu les adultes utilisés la faux garnie d'une toile pour rabattre les tiges afin de faire les passages pour la lieuse.
Les enfants suivaient, faisaient des javelles et les liaient avec de la ficelle récupérée sur les gerbes de l'an passé ou avec des liens en paille de seigle, comme ceux que nouaient Nelly l'après-midi.
J'ai souvenir du grand-père qui coupait ces liens et les enfournait dans la batteuse (la machine à battre) et même de vagues images se passent en la tête d'une javeleuse utilisée dans un endroit pentu.
La lieuse, sur mon livre d'histoire on voyait les premières Mc Cormick ou Massey Harris tirées par une vingtaine de mules aux Etats-Unis. A la notre, trois chevaux étaient attelées que conduisait l'oncle. Mon grand-père était sur le siège au dessus des rabatteurs pour éviter un bourrage.
Le reste de la familles faisait les "tréssés", 6 ou 12 gerbes. C'était toujours une décision prise après mûres réflexions suivant la taille des gerbes, la variété récoltée et la météo. Les chapeaux étaient orientés vers Bains les Bains, en tuile pour recevoir la pluie. Il fallait aussi que l'alignement soit impeccable, pas question qu'un tas dépasse.
Les moissons étaient autant une source de revenus qu'un motif de fierté. Et peut-être dans bien des cas cette raison ci et l'habitude de l'autarcie ont elles poussé dans nos régions, des fermes à cultiver des céréales sans que cela soit vraiment rentable ?
Nos terres légères supportent mal d'être trop longtemps sans prairie pour restructurer le sol et certaines années peu favorables, ce qui était gagné d'un côté était perdu de l'autre.
Depuis tout jeune, j'entends mes parents prendre comme référence "l'année où les blés ont germé, l'année où les blés ont gelé". On évoquait une variété très productive "Champagne" mais qui germait vite.
Deux saisons de suite, cette année à cause d'un excès d'eau, l'an dernier en raison de la chaleur, la récolte de céréales a été de mauvaise qualité et se négociait à un prix en baisse.
Double peine, pourtant depuis longtemps tous les ans, les cultivateurs sèment et espèrent moissonner.
Jean, le mari de Nelly, a été un des premiers dans la région à avoir une moissonneuse batteuse automotrice et à faire l'entreprise.
Son fils Denis, bientôt rejoint dans le Gaec par son frère Bruno, avait repris la tradition familiale. C'est au tour maintenant de la troisième génération de piloter ces engins de plus en plus puissants.
Nelly sait donc de quoi elle parle quand elle évoque les moissons. Que ce soit celles de ses parents, celles de la ferme familiale ou le travail du Gaec, c'est certainement un sujet de conversation majeur tous les étés.
Nous lui souhaitons de venir encore longtemps à la Fête de La Moisson montrer son savoir faire et évoquer ses souvenirs.
Après la dernière guerre, plusieurs cultivateurs de la région achetèrent leurs premiers tracteurs grâce au plan Marshall mais c'est seulement dans les années soixante que la plupart franchirent le pas.
Bonne ou mauvaise récolte, la moisson et le battage était toujours l'occasion de faire de plantureux repas et goûters (le quatre heures).