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LES VOIVRES 88240

Quand le Val de Vôge a décidé qu'il ne voulait pas mourir

Le bombardement d'Epinal du 11 mai 1944

Si dans Epinal même les combats de juin 1940, n'avaient pas eu la même violence que ceux de Xertigny ce sont les alliés qui, en bombardant celle-ci en 1944 ont causé le plus de destructions et de morts. En France beaucoup de villes subirent ces bombardements et dans de nombreux cas, ils furent bien plus terribles.

Si un des objectifs avoués, quand ils s'agissait de raser des cités allemandes, telles Hambourg ou Dresde était de démoraliser la population civile, objectif qui n'a d'ailleurs jamais été atteint, on peut se demander quel était celui visé réellement en bombardant des agglomération en France.

Les dégâts occasionnés étaient sans commune mesure avec le résultat sur les troupes ennemies et gênaient autant les alliés que l'armée allemande.

On sait qu'il aurait suffit pour freiner considérablement l'effort du guerre du Reich de se concentrer sur un point et un seul.

Viser par exemple et sans interruption les fabrications de roulements à bille ou les carrefours et les aiguillages ferroviaires aurait été bien plus efficace sans être aussi meurtrier pour les civils.

M. Claude GIRARD ainsi que son fils Jean-Pierre nous éclairent un petit peu plus sur ce qui s'est vraiment passé à Portieux, sous la fin de l'occupation allemande depuis Mars 1944.

4 mai 44 : On apprend que l’ont a fusillé à la Vierge (Epinal) 7 hommes de Portieux, accusés comme résistants à la suite de la découverte de dépôt d’armes. Ce sont Mrs (Maurice) Coindreau, ingénieur à la Verrerie (en retraite) ; (Gustave) Chardot, (boulanger à la Verrerie) greffier de la mairie ; (Eugène) Huraux, sous-officier (en retraite) ; (Georges) Marchal, cultivateur ; Cassin (Georges Cossin), ouvrier à La lorraine Electrique ; (Charles) Jacquiert et (Lucien) Perrin, également ouvriers à La Lorraine.


11 mai 1944 (15h50) EPINAL est bombardée. 180 morts. Des centaines de blessés, 200 immeubles détruits ou gravement endommagés : A 15h45, on entend les ronronnements des Flying Fortress. Personne ne s’effraye, car presque chaque nuit ces bruits nous réveillent. D’ailleurs, l’alerte tarde à sonner (?). Il est vrai que cela n’aurait sans doute rien changé, les alertes se répétant.”

A 15h48, le premier “feulement” fait sursauter la ville. Deux secondes (ou minutes ?) ne se sont pas écoulées qu'un fracas effroyable fait gémir le sol. Un bruit semblable à celui de la tôle agitée, un bruit métallique horrible qui assourdit la cité. Un nuage de poussières, de cailloux, de fumée obscurcit le soleil. Dans de nombreux quartiers, la totalité des vitrages s’effondre. La première vague est passée. Son tir assez bien concentré a bouleversé le dépôt du chemin de fer et la gare qui flambent.


Deux ou trois minutes se passent ? Les ronronnements effrayants emplissent à nouveau le ciel.
La grêle mortelle s’abat à nouveau. Dans la fumée que le vent pousse au sud-ouest, une troisième, quatrième, cinquième vagues déversent leurs cargaisons, hors l’objectif. Enfin, vers 16h15, les vrombissements disparaissent au Nord.
C’est alors la recherche des victimes parmi les décombres. Le poste de secours, à l’école de la rue Durkheim, est tout de suite débordé. On y apporte morts, mourants et blessés. Ni eau, ni éther ! On dévalise la pharmacie Morel, on court à la recherche de matelas, de linge, de verrerie, etc... Une totale incurie !

Pendant trois longs jours, les incendies consument la gare et les casernes où, dit-on, plus de 100 prisonniers hindous auraient été tués. Le dimanche matin, on procède à un service funèbre (Mgr Blanchet) où sont bénis les 150 cercueils des morts retrouvés alors.

15h46 : ronronnements puissants (fenêtre fermée). J’ouvre la fenêtre. Je ne vois rien. Je cours à la chambre jaune. Je distingue nettement une escadrille, vers 2000 mètres, composée de 45 Flying Fortress à 4 moteurs. Le soleil m’aveugle. Je descends donc, pour mieux voir les avions, à la fenêtre d’escalier du 2ème étage. Je l’ouvre.

15h49 : je me penche et les montre du doigt à mon père. La sirène qui hurle depuis une minute et demie donne l’ambiance !
Soudain, une dizaine de boules noires, très visibles, s’abattent, sous nos yeux terrifiés, sur le dépôt du chemin de fer, dans un fracas épouvantable. Aussitôt, il est 15h50, un panache de fumée sort de terre et, à une vitesse vertigineuse, escalade le ciel.
Nous descendons quatre à quatre l’escalier et nous précipitons vers l’abri proche, creusé dans le jardin de l’école. La fumée qui retombe nous plonge dans la nuit. Une forte odeur de brûlé, de soufre, de terre nous prend à la gorge. Les avions s’éloignent.

Mais les ronronnements reviennent plus forts. Mon père essaye de retenir notre comptable, Mr Bonnet qui, enfourchant son vélo, veut monter à Chantraine où est sa famille. Nouveau fracas ; c’est la 2e vague. Je regarde les poutres de l’abri et crains d’être pris dessous. Je sors. La terre tremble et je suis projeté contre une cabane de jardin. Une pluie de terre me couvre. Je tremble, je tremble sans pouvoir m’arrêter... je me relève et vois à 20 mètres (?) l’entonnoir de la torpille qui m’a couverte de gravats. Comme un fou, je me précipite dans l’abri. Cette 3ème vague s’est abattue, de fait, sur notre quartier. On dénombrera, plus tard, 3 entonnoirs rue Lepage, 2 torpilles sur “les 3 sapins” où 3 personnes agonisent. Deux bombes, dont la “mienne”, derrière l’école maternelle, 2 autres torpilles sur la maison Raoul, rue du réservoir, 2 sur la rue Notre-Dame de Lorette, etc...

Quant à Mr Bonnet, il pédalait à hauteur des “3 sapins” quand la maison s’écroulait. La figure en sang et la cuisse cassée, il a été porté par mon père au poste de “secours”. Il s’en tirera.

Se succèdent les 4e et 5e vagues, toujours dans le même fracas, mais le vent aidant, ”n’intéressent“ plus notre coin ! Enfin, ”ils“ s’éloignent définitivement et l’ont émergent, hébétés, de notre si précaire “abri”.

18 mai 44 : Au lendemain du bombardement d’Epinal, les allemands ont déménagés dans les bois (Verrerie de Portieux) leurs ateliers de montage de moteurs d’avions de Charmes et de Thaon (dans le magasin d'expédition réquisitionné de la verrerie).
A la Libération, Mr Aubry, cultivateur et maire sous Vichy, sera accusé de dénonciation, emprisonné, et, finalement, libéré. Notre rue de ”la Jue” sera rebaptisée rue Gustave Chardot.



23 mai 44 : Et zou, de deux ! Alerte, ce matin, au lycée, à 8h15. Descente rapide aux abris. Le courant est coupé. Il fait noir comme dans un four. On chante, un ”gosse” pleure. On entend des avions, ça résonne terriblement. Le proviseur fait preuve d’une confiance imperturbable dans la solidité de l’abri.

A 9h20 les chants s’interrompent car un horrible fracas se fait entendre. L’air chaud rentre en trombe dans l’abri soufflant la lanterne d’écurie que l’on avait réussi à allumer. Peur intense !... Une vague, deux, trois... Ouf ! C’est fini.

On sort : beau spectacle ! Une grêle de bombes incendiaires a arrosé la ville. Le feu dévore le quai des Bons-Enfants ; des plaquettes enflammées (phosphore) descendent la Moselle. L’Hôpital brûle, la Préfecture aussi.

Je traverse la ville en courant. La Générale est détruite, les Magasins Réunis sont atteints, les colonnes, seules, de l’église Notre-Dame subsistent. Le cinéma Royal flambe. Ce qui restait de la rue de la gare à la suite du premier bombardement s’est écroulé. La rue Notre-Dame de Lorette flambe, la maison Girol s’est écroulée sur son abri. Les écoles sont en feu.

Ouf ! Notre maison n’a rien. Dans ma chambre, un engin incendiaire qui a traversé le toit et le plafond, s’est échoué sur mon lit, projetant sur les murs gomme, essence, phosphore ! Par miracle, le mélange, amorti, absorbé par la literie (?) ne s’est pas enflammé.

Bilan : un mort et quelques blessés. Jeannot se permet :”un bombardement par bombes incendiaires.

25 mai 44: A 8h00 je rentre à Epinal à vélo, venant des Forges où nous passons les nuits. Alerte ! En un clin d’œil, les bois environnants la ville sont pleins de monde. Un quart d'heure se passe. Rien. Puis les ronronnements bien connus se font entendre en vagues successives, les avions américains apparaissent ; on en compte 100, 200, 300... Une panique folle s’empare de la foule qui fuit plus loin, toujours plus loin ! Les traînées blanches des chasseurs sillonnent le ciel impeccablement bleu. Quelques fusées. Deux avions allemands se sauvent, rasant la cime des toits. Les vagues tournoient, se mettent le dos au soleil... On y a droit ? Encore ?... Mais non ! Après un quart d’heure d’évolutions, le bruit décroît vers le nord, vers Nancy. Quelle peur ! Aussi, nous déménageons, direction Lunéville, espérée plus calme !


26 mai 44: Nuit pénible, raid allié sur l’Allemagne de 0h00 à 0h45, ronronnements assourdissants et continus ; les maisons tremblent ; ils sont à peine à 1000 ms ! On a un mal fou à se rendormir !
20 Spitfires ont rodés longuement ce jour, mitraillant les déplacements de troupes. Les quelques 300 soldats (18 / 20 ans) en cantonnement, arrivent d’Orléans. Au repos, ils se baignent à longueur de journée.


27 mai 44 : 11h30, visite du Maréchal Pétain. 11h45 : Alerte, tout le monde dans les bois. 1 000 forteresses passent pendant deux heures et demi, en direction du Rhin. 15h00 le Maréchal fait le tour des ruines. Froideur de l’accueil. Départ après une brève allocution.

Epinal : 621 cadavres retirés des ruines (dont 400 Hindous).

Le 11 un train allemand saute à Corcieux. Engagements entre les allemands et des “maquisards” près de St Dié. Maquis, également, à Bussang et au Thillot.
Vichy préfère “sa“ Milice aux gendarmes, qui, tenus à l’écart, sont recrutés par le Maquis.

Portieux : cette nuit alerte splendide, ronronnements formidables, fusées, etc...

Au sortir de la 2nde Guerre Mondiale, le centre d’Epinal est en ruines, dévasté par les bombardements de la libération de 1944. Les magasins Réunis, Place des 4 Nations, n’ont hélas pas été épargnés.

Des archives des bâtiments en feu poussés par le vent de Nord Est, arrivaient jusqu’à Les Voivres.

Les Magasins Réunis dévastés
Les Magasins Réunis dévastés

Les Magasins Réunis dévastés

Epinal

Le bombardement par 36 B-17 de la 8th US Air Force de la gare de triage d’Epinal le 23 mai 1944
1 : la fumée des explosions recouvre entièrement le quartier de la gare.
2 : le quartier reconstruit aujourd’hui
3 : les dégâts au sol sont importants. La gare est pratiquement détruite. Mais hélas, la zone urbaine a elle aussi été touché. De nombreuses habitations ont été détruites entrainant de nombreuses pertes civiles.
Sources : Google Earth
L’armée américaine en Lorraine Eric Rondel Edition Ouest Compagnie.

Des prisonniers hindous internés dans un camp à Epinal réussirent à s'évader à la faveur de ce bombardement. Trois d'entre eux vinrent se réfugier au 5 Le Chaudiron chez Elie Munier.

L'un d'eux gravement blessé est mort peu après. D’après la rumeur ses camarades l'aurait jeté dans l'étang Alexandre situé à 200 mètres derrière la maison.

Tous ceux qui les ont vus gardent le souvenir de leurs longs cheveux qu'ils roulaient en chignon avant de les mettre sous leur turban.

Il s'agissait certainement de Sikhs qui se sont toujours enrôlés en grand nombre dans l'armée anglaise.

Bombardement de la gare d'Epinal
Bombardement de la gare d'Epinal
Bombardement de la gare d'Epinal

Bombardement de la gare d'Epinal

Le bombardement d'Epinal du 11 mai 1944
Le bombardement d'Epinal du 11 mai 1944
Le bombardement d'Epinal du 11 mai 1944
Bombardement de Best

Bombardement de Best

Le bombardement d'Epinal du 11 mai 1944
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P
Lorsque j'etais un enfant, il y avait une dame en noir qui etait tous les jours a attendre son mari disparu au monument aux morts d'Epinal. Qui etait-t-elle ?
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F
Bonjour et merci pour ce travail de mémoire.nous travaillons sur la journée du 27 Mai 44, votre coopération<br /> serait la bienvenue.<br /> 06 83 29 24 33. Francis
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J
je sque de souffrances pour tous uis nee a epinal mon nom leclerc colette mon papa decede le 11 mai 1944 au bombardement de la gare ou il travaillait je ne pourrai jamais oublie tous ces morts civils mon papa est marque au monument au mort ainsi qu a la gare epinal eglise notre dame ou j ai ete baptise des ruines partout je suis pupille de la nation a la moindre occasion ceremonie au monument au mort cimetiere francais israelite etc vendu plusieurs annees bleuets de france continue acheter ces bleuets les souvenirs font mal malgre l age il m a toujours manque quelque chose et a ma famille aussi amities a tous ne pas les oublies tous ces morts a cause des guerres qui continuent malheureusement
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L
Merci de votre témoignage. C'est parce que le devoir de mémoire est important que nous parlons souvent des évènements qui ont marqué notre région.
N
Voila un témoignage particulièrement intéressant car précis, détaillé et "humain". J'avais bien entendu parler qu’Épinal avait payé un lourd tribut, mais à ce point là....
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L
C'est les prisonniers hindous qui ont payé le plus lourd tribut.<br /> Je pense que maintenanant ont parlerait de bouclier humain mais ne sont pas comptés ceux tels celui qui est arrivé chez les voisins blessé est qui est mort ensuite.